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13.05.24

Les fleurs : combien ça coûte ?

Est-ce que les fleurs coûtent trop cher ? Est-ce que les fleuristes pratiquent des marges démesurées ? Que paye-t-on quand on achète des fleurs ? Pour répondre à ces questions et revenir sur quelques idées reçues, la rédaction de Sessile a sorti sa calculatrice pour vous expliquer comment on fixe le prix des fleurs, afin que vous sachiez en toute transparence ce que vous achetez.

Trop chères, donc, les fleurs coupées ? Pour bien comprendre ce que vous achetez, Sessile vous explique les ressorts de fixation des prix en retraçant le parcours d’une fleur du champ jusque dans vos mains. 

Aalsmeer : le Wall Street des fleurs

Aalsmeer est le centre névralgique du marché mondial des fleurs : plus grand bâtiment au monde en surface après le Pentagone, la majorité des fleurs commercialisées partout dans le monde y font un passage. “Entre 60 et 70 % des fleurs vendues dans le monde transitent par Aalsmeer”, estime ainsi Gilles Rus, directeur développement de la SICA Marché aux fleurs d’Hyères.

Comment expliquer une telle centralité du cadran dans les échanges commerciaux de fleurs coupées ? Par l’histoire tout d’abord, comme nous vous l’expliquions dans notre article sur la crise de la tulipe : les Pays-Bas ont été les premiers à faire de l’horticulture un enjeu commercial stratégique. 

La géographe Lucie Drevet-Démettre, professeure à l’université de Bordeaux Montaigne, explique la centralité d’Aalsmeer par sa position géographique, à mi-chemin des centres logistiques et des zones de productions floricoles hollandaises. “Sous l’égide de coopératives de producteurs, les deux enchères de Bloemenlust et Aalsmeer destinées à structurer la commercialisation des fleurs ont vu le jour en 1912 à proximité des canaux et voies navigables mais également des champs et des serres”, précise-t-elle.

Les enchères s’y déroulent d’une manière particulière que l’on nomme enchères inversées ou dutch auction. “Il s’agit d’un système d’enchères électroniques décroissantes, où le prix des fleurs baisse jusqu’à trouver preneur”, résume Gilles Rus. Pourquoi fonctionner de cette façon ? “La fleur coupée est un produit périssable, et chaque minute compte. Les enchères inversées permettent de gagner en efficacité car elles ont tendance à se résoudre plus rapidement”. 

En France, bien que de taille plus raisonnable qu’Aalsmeer, le marché aux fleurs d’Hyères, à mi-chemin entre place de marché et groupement de producteurs, fonctionne de manière identique. “Tous les jours, 100 à 150 acheteurs se réunissent dans notre amphithéâtre pour participer aux enchères. Cela représente environ 3000 transactions à l’heure”, relate Gilles Rus. 

Le rôle des places de marché est central dans la fixation des prix pour les producteurs, qui ont tendance à se fier aux indices distillés par les places de marché. “De notre côté, nous faisons confiance aux indices qui nous sont donnés par le Marché aux fleurs d’Hyères : ils fonctionnent sur un modèle d’enchères inversées. On suit le cours qui nous est communiqué et on s’adapte en conséquence”, confirme Matthieu Lecuire, horticulteur de pivoines dans le Var.

Une fois les fleurs vendues aux grossistes sur les places de marchés en France ou aux Pays-Bas, les fleurs essaiment ensuite sur les grands marchés nationaux comme les MIN dont le plus connu est celui de Rungis, où une nouvelle commission est évidemment appliquée, avant que les fleuristes ne viennent se procurer les fleurs. “Les fleurs que nous vendons sont ensuite acheminées vers les principaux MIN de France, comme Rungis, Nantes, Grenoble ou encore Dijon”, confirme Gilles Rus. 

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Les occasions à l’origine de pics de demande

Le prix, comme sur n’importe quel marché, est bien entendu déterminé par la confrontation de l’offre (les producteurs) et de la demande (en l’occurrence les grossistes)” selon Gilles Rus. Or, offre et demande sont soumises à des fluctuations très marquées en fonction des occasions et des fêtes calendaires sur le marché des fleurs coupées, ce qui peut provoquer des hausses subites des prix, et des baisses aussi soudaines. 

A l’approche de la Saint-Valentin, les roses rouges, couramment associée à l’événement, connaissent donc une forte croissance de leur prix, qui peut parfois jusqu’à tripler voire plus. Comme les fleuristes les paient plus cher sur les marchés, il est donc logique que les prix soient par conséquent plus élevés en boutique par la suite. Par exemple, le prix de la botte de Red Naomi, l’une des variétés de roses les plus courues, culminait à près de 26 euros (pour 10 tiges) selon les données collectées au MIN de Rungis par FranceAgrimer en 2023. 

C’est aussi le cas à l’approche de la fête des mères, comme l’explique Gilles Rus, directeur développement de la SICA Marché aux fleurs d’Hyères : “La fête des mères européennes se déroule en effet le 12 mai cette année, et nous sommes pratiquement les seuls dans le Var à produire cette fleur [la pivoine] si populaire, donc les prix connaissent une forte croissance à cette période”.

En revanche, lorsque les températures augmentent et que d’autres régions voient fleurir les pivoines début juin, les prix ont tendance à redescendre. “Les prix baissent de nouveau, car de nombreuses autres régions au climat moins propice que le Var à la floraison de la pivoine commenceront également à en vendre”, explique-t-il. “C’est en général à partir de ce moment que l’on trouve des pivoines chez son fleuriste à des prix bien plus accessibles pour les consommateurs français”, conclut-il.

Main d’œuvre, énergie, transport, contexte économique… Quels sont les facteurs qui influencent les prix ?

De nombreux paramètres entrent en ligne de compte pour définir le prix d’une fleur, à commencer par son coût de production. Evidemment, la main d’oeuvre est l’un des premiers critères qui permettent de déterminer le prix d’une fleur :  “le coût du travail est évidemment plus élevé en Europe, et il est impossible pour les producteurs de s’aligner sur les tarifs pratiqués par certains pays d’Afrique”, note Gilles Rus. 

Pourtant, cette concurrence du moindre coût n’est pas une fatalité. “Le sujet de la concurrence internationale est évidemment un facteur clé pour comprendre la composition actuelle du marché. Nous avons connu une véritable révolution il y a douze ans : alors que les roses kényanes aux prix imbattables ont connu un regain de popularité, de nombreux producteurs ont délaissé la rose qui ne pouvait plus être compétitive” observe-t-il.

Le type d’horticulture pratiqué est également un élément clé à prendre en considération, comme le détaille Gilles Rus : “Les fleurs que nous produisons dans le Var peuvent coûter moins cher à produire que les fleurs produites aux Pays-Bas : comme les producteurs se sont orientés vers des variétés qui peuvent naturellement pousser sous nos latitudes, ils n’ont pas besoin de technologies aussi poussées que les exploitations néerlandaises”.

Le contexte économique et les fluctuations du pouvoir d’achat sont également déterminants. Ainsi, le contexte de hausse généralisée des prix a pu décourager les clients. “L’inflation joue un grand rôle dans la perception que les clients ont du prix des fleurs”, avance Guillaume Dellesse, fleuriste à Paris. “Aujourd’hui, les fleurs sont devenues un luxe, et tout le monde ne peut pas se permettre un bouquet à 30, 40 ou 50 euros”, résume-t-il.

Le prix de la qualité, de la production à la confection 

Pour faire face à la concurrence internationale qui peut parfois entraîner des difficultés de compétitivité, les producteurs français, en particulier du Var, ont fait le choix de privilégier des gammes de qualité pour se distinguer. “Les producteurs du Var ont su se montrer adaptables et réactifs : ils ont réorienté leurs productions vers des variétés qui n’ont aucun mal à pousser sous nos latitudes et que peu d’autres producteurs ne produisent”. 

Matthieu Lecuire de Force de Fleurs dresse peu ou prou le même constat : “Plutôt que d’essayer de faire concurrence à la rose importée par rapport à laquelle ils ne pourraient pas être compétitifs en raison de taxes douanières très basses et de main-d’oeuvre peu coûteuse, ils ont pris le parti de s’orienter vers une gamme de niche avec la pivoine et ont donc bien tiré leur épingle du jeu”. Ainsi, la pivoine du Var, bien que plus coûteuse que certaines autres variétés, trouve toujours preneur en raison du savoir-faire avec lequel elle est cultivée. Sa courte période d’apparition sur les étals contribue sans doute aussi à son succès : “Il s’agit d’une fleur qui est très prisée et très attendue” selon Matthieu Lecuire. “Peu à peu, les producteurs varois ont su développer une gamme de fleurs sur laquelle ils font la différence en matière de qualité”, confirme Gilles Rus. 

Même son de cloche du côté de la confection, où les fleuristes peuvent faire valoir leur savoir-faire dans la sélection des fleurs pour laquelle ils apportent une véritable valeur ajoutée, et où le soin qu’ils donnent aux végétaux peut faire la différence. “C’est vrai qu’une botte de renoncule peut coûter 28 euros, mais le bouquet peut durer deux ou trois semaines s’il est bien entretenu”, confie le fleuriste Guillaume Dellesse. 

C’est vrai que si on va en grande surface, on peut trouver des bottes de roses à 7 ou 8 euros, mais le volume de la botte équivaut à 2 roses que je vends en boutique” signale Guillaume Dellesse, fleuriste à Paris. Au-delà du prix à la tige, la qualité et le volume de la fleur en soi a donc son importance. 

Une exigence de qualité qui n’est en rien sacrifiée par le calcul de la marge. Comme le confie Gilles Sonnet, fleuriste à Fontaine-lès-Dijon et membre du collectif Sessile : “Contrairement aux autres acteurs du secteur, les fleuristes sont des artisans, ce n’est donc pas la marge qui nous intéresse mais le travail bien fait”.

Qui sommes nous ?

Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.