1. Accueil
  2.  / 
  3. Blog
  4.  / 
  5. La tulipe à l’origine de l’une des premières bulles spéculative de l’histoire
logo blog
23.04.24

La tulipe à l’origine de l’une des premières bulles spéculative de l’histoire

Un épisode est souvent convoqué par historiens et économistes pour évoquer les phénomènes de crises financières : la tulipomanie. Enfiévrée par les nombreuses variétés importées de l’Empire Ottoman, la haute société néerlandaise se prend de passion pour la tulipe, au point de provoquer l’une des premières bulles spéculatives de l’histoire. Pour évoquer cet événement, nous avons rencontré Jézabel Couppey-Soubeyran, maître de conférence en économie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. 

Pouvez-vous présenter votre parcours en quelques mots ?

Je suis maîtresse de conférences en économie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne depuis 1999. Je m’intéresse particulièrement aux questions monétaires et au rôle des banques centrales. J’ai également travaillé sur les crises financières et sur les mécanismes de régulation mis en place pour y faire face.

Je suis aussi conseillère scientifique à l’Institut Veblen, pour lequel je consacre mes recherches à l’adaptation des politiques monétaires face aux défis de la transition écologique. J’ai récemment coécrit Le Pouvoir de la monnaie avec Pierre Delandre et Augustin Sersiron.

Qu’est-ce que la crise de la tulipe ?

Pour introduire mon propos, je voudrais relater l’anecdote rapportée dans son livre par John Galbraith. Alors qu’une cargaison de tulipes en provenance du Levant venait d’arriver dans le port d’Amsterdam, un jeune marin a croqué dans ce qu’il a pris pour un oignon rouge. Il ignorait qu’il s’agissait en réalité d’un bulbe de Semper Augustus, la variété de tulipe la plus prisée à l’époque, dont le prix était estimé à près de 3000 florins, ce qui équivalait selon Galbraith à l’acquisition d’un carrosse, de deux chevaux et des harnais qui vont avec !

La crise de la tulipe est sans doute le premier épisode d’euphorie financière attesté dans l’histoire. Entre 1634 et 1637, une véritable fièvre pour les tulipes s’est déclarée dans les Provinces Unies (NDLR : les actuels Pays-Bas), au point de former une bulle spéculative qui a fini par éclater, provoquant la faillite de nombreux spéculateurs.

Qu’est-ce qu’une bulle spéculative ?

Pour comprendre l’idée de bulle, il faut avoir en tête l’image d’une bulle de savon, qui enfle sans rien enlever à sa fragilité et finit par éclater. Pour le dire avec des termes économiques : on assiste à la création d’une bulle spéculative lorsque l’écart entre la valeur fondamentale d’un actif et sa valeur d’échange sur le marché grandit de manière cumulative. Fatalement, comme les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, la pression finit par retomber, et la hausse continue des prix provoque un affaissement de la demande et donc une chute brutale des prix de l’actif en question, qui ne trouve subitement plus preneur.

Comme l’écrit Christian Chavagneux dans son livre Une brève histoire des crises financières (Ed. La Découverte, 2011), c’est comme à chaque épisode de fièvre spéculative un véritable marché du vent qui s’était formé : ceux qui spéculaient sur le prix des tulipes ne cherchaient même pas à en détenir, ils ne recherchaient plus que l’enrichissement en pariant sur la montée de son prix et en s’échangeant des promesses de ventes ou d’achats passant de mains en mains.

Rejoignez-nous

Comment la tulipe a-t-elle pu faire l’objet d’une telle spéculation ?

Nous sommes au XVIIe siècle dans une période de grand commerce où les aristocraties marchandes s’enrichissent considérablement et où les produits exotiques, notamment du Levant, sont introduits massivement en Europe. La tulipe a été l’un des atours de richesse extérieure dont se sont parées les jardins et les maisons des élites, ce qui a sans doute expliqué l’engouement initial autour de la tulipe.

Cet épisode de tulipomanie, comme on l’a baptisé, démontre qu’une bulle peut se former sur à peu près n’importe quel bien ; en revanche, cela ne veut pas dire que cela s’opère de manière irrationnelle. Au contraire… Si des acteurs économiques sont prêts à acheter un bulbe de Semper Augustus pour le prix d’un carrosse, c’est qu’ils anticipent le fait de pouvoir le revendre plus cher, donc que les prix vont continuer d’augmenter, dans une sorte de mécanisme autoréalisateur. Quand tout le monde achète en pensant que les autres vont acheter, alors de fait les prix montent ! Jusqu’à la chute plus ou moins brutale.

Quelles ont été les conséquences économiques de l’éclatement de cette bulle ?

Aujourd’hui encore les conséquences concrètes de l’éclatement de la bulle sont sujettes à débat parmi les historiens. Il est fort probable que la tulipomanie ait pu être romancée. Christian Chavagneux postule ainsi que les effets de la crise auraient été plutôt bien absorbés par les acteurs de l’époque. En revanche, le phénomène d’euphorie lui est indéniable et c’est sans doute pour cette raison que la tulipomanie a été tant romancée.

Qui sommes nous ?

Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.