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25.01.24

Comment mesurer l'impact environnemental des fleurs coupées ?

Aujourd’hui, nous sommes tous plus attentifs à la provenance et aux modes de production des produits que nous consommons. La démarche d’affichage environnemental permet de déterminer les conséquences de la production d’un bien ou d’un service sur l’environnement afin de transformer les pratiques de production dans une perspective d’éco-conception, et d’informer les consommateurs. Sessile a recueilli les témoignages de trois experts pour démontrer l’utilité d’une telle démarche pour la fleur coupée.

Le calcul de l’impact environnemental est une tendance lourde à l’aune des enjeux de transition énergétique. De plus en plus de secteurs s’attachent à mesurer l’impact des itinéraires de production pour atténuer les effets de notre consommation sur le changement climatique. 

En ce qui concerne les fleurs, les professionnels du secteur ont devancé les attentes des Français en organisant par exemple les Assises de la traçabilité, dans l’optique de d’organiser la meilleure information possible au client en matière de provenance des fleurs qu’ils achètent. Bien que l’affichage de la provenance ne soit pas une obligation légale, une partie de la profession montre donc une vraie volonté de s’acheminer vers une information optimale du consommateur.

Bilan carbone, Analyse du cycle de vie : c’est quoi au juste ?

Pour répondre à cette exigence, de nombreux secteurs ont décidé de réaliser des ACV – Analyse du Cycle de Vie – de la production, afin de déterminer les facteurs d’émissions de CO2 de toute la chaîne de valeur, allant de la production au traitement des déchets. 

De manière simple, l’ADEME définit l’ACV comme suit : “L’analyse du cycle de vie (ACV) recense et quantifie, tout au long de la vie des produits, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines”. En d’autres termes, il s’agit de découper le cycle de vie d’un produit pour en déterminer les étapes qui affectent le plus lourdement l’environnement. Vincent Colomb, coordinateur de l’affichage environnemental pour l’ADEME, en précise la portée comme suit : “Il s’agit de pouvoir construire des indicateurs qui reflètent fidèlement la consommation de ressources, en énergie, en eau et en espace, et de déterminer la pollution induite par les processus de production et de logistique”.

Concrètement, l’analyse du cycle de vie prend en compte 16 indicateurs pour évaluer l’impact environnemental d’un produit, comme le changement climatique, l’épuisement des ressources en eau ou encore l’usage des sols. Ces indicateurs sont issus de la réglementation européenne Product Environmental Footprint (PEF).

Le bilan carbone, lui, va se concentrer sur les facteurs d’émissions de CO2, comme l’explique Laurent Ayoun de Carbo : “Un bilan carbone, c’est le calcul de l’équivalent CO2 émis par la fabrication d’un produit ou la conduite de ses activités quotidiennes par exemple, et qui a un impact direct sur le climat”.

A quoi ça sert ?

L’objectif d’une démarche ACV est de calculer le risque d’un produit pour l’environnement, et permet donc aux producteurs de modifier leurs pratiques en conséquence. Elle permet aussi aux producteurs vertueux de démontrer l’engagement de leur démarche, et de valoriser leurs bonnes pratiques. 

Le CNPH-Piverdière a ainsi entrepris une démarche d’ACV des produits horticoles pour favoriser l’émergence de pratiques plus écoresponsables. Ainsi, comme le détaille Frédéric Sérusier : “Notre objectif était de calculer l’impact environnemental de la production horticole, un domaine où les données étaient encore limitées, en particulier dans la base de données de référence Agribalyse. Nous avons appliqué la méthodologie d’Analyse du Cycle de Vie (ACV) conforme à la norme ISO pour évaluer 33 produits différents, allant des plants de légumes aux arbres en passant par les plantes aromatiques, les arbustes, les plantes en pot et à massif”.

Concrètement, produire de la donnée pour envisager un avenir plus vertueux, et améliorer en continu les itinéraires de production sur une base scientifique. “Sur la base de ces résultats, chaque entreprise a pu explorer des scénarios d’écoconception, cherchant à mettre en place des solutions pertinentes pour minimiser leur impact environnemental”, précise Monsieur Sérusier.

L’autre avantage est une meilleure information du consommateur, qui dispose de clés pour orienter ses actes d’achat vers des produits plus responsables. “Le besoin de transparence est une attente forte de la part des consommateurs. L’ADEME se positionne en appui d’expertise et garant de la fiabilité des démarches pour encourager une information environnementale sincère et limiter les risques de greenwashing” confirme Vincent Colomb, coordinateur de l’affichage environnemental à l’ADEME.

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Pourquoi les fleurs ?

Les fleurs sont un achat emblématique, qui se fait souvent pour célébrer un événement, et qui est donc toujours empreint d’émotion et de partage. D’autre part, les fleurs sont associées à la nature, c’est pourquoi elles peuvent constituer une porte d’entrée intéressante pour réfléchir à son impact sur l’environnement. “Les fleurs coupées et l’horticulture de manière générale sont des secteurs avec des enjeux environnementaux avérés. En effet, la plupart des fleurs consommées aujourd’hui sont issues de l’importation, donc une étude de l’impact des logistiques peut se révéler intéressante”, détaille Vincent Colomb de l’ADEME. 

Bien entendu, il n’est pas question de décourager l’achat de fleurs, qui font de toute façon partie de nos vies, mais plutôt de favoriser le report de la demande vers des variétés de saison, qui par définition nécessitent moins d’énergie pour s’épanouir. En effet, les bons gestes sont faciles à prendre : c’est en se renseignant auprès de son fleuriste qu’on peut s’orienter vers des variétés plus raisonnables, souvent locales et de saison. “Il s’agit d’un secteur où appliquer les bons gestes est accessible à tout un chacun : par exemple, privilégier les fleurs de saison, et si possible les fleurs locales. Mettre en place une ACV pourrait permettre à la fois aux acteurs vertueux de valoriser leurs bonnes pratiques tout en orientant les habitudes des consommateurs”, poursuit le responsable de l’ADEME. 

Par ailleurs, la production de fleurs en France se caractérise par des itinéraires de production plus vertueux, grâce à son climat favorable qui permet de limiter la production de fleurs sous serre chauffée et une législation sur les pesticides plus rigoureuses que ses voisins. “Cette spécificité de la production française est un atout dans le contexte économique actuel : l’explosion du prix du gaz remet en cause le modèle de production sous serre chauffée qui permettait de recréer en tout temps et en tout lieu le climat optimal pour la culture des fleurs” avance Laurent Ronco d’Astredhor.

En définitive, les conclusions d’une ACV de la fleur française, comparée à ses homologues d’importation, permettrait de mettre en lumière les pratiques innovantes et vertueuses mises en place en France. “Une telle initiative permettrait de mettre en valeur de nouvelles pratiques de production, plus en accord avec les enjeux de transition écologique, et sur lesquels les producteurs français sont déjà en avance. Je suis persuadé qu’une analyse du cycle de vie de la fleur française pourrait se montrer avantageuse pour celles-ci”, conclut monsieur Ronco.

Comment s’y prendre ?

Pour construire une ACV fiable et pleine de sens, la première étape est de rassembler les bonnes volontés au sein de la filière. “Pour s’engager dans un dispositif d’affichage environnemental, il est nécessaire de construire des références partagées via un travail collaboratif ; c’est aussi un bon moyen de s’assurer que les données sont les plus fiables possibles”, selon Vincent Colomb de l’ADEME. Même son de cloche du côté de Laurent Ayoun de Carbo : “Une fois qu’on a établi le modèle, il faut passer par la collecte de données spécifiques auprès des institutions, des fournisseurs ou des producteurs”.

Un intérêt pour la démarche que manifeste déjà Astredhor, institut technique reconnu par le ministère de l’Agriculture : “Chez Astredhor nous disposons déjà de données allant dans ce sens, mais il pourrait être bénéfique d’aller encore plus loin dans la démarche afin de favoriser les itinéraires de production à faibles intrants énergétiques” confie Laurent Ronco. 

Deuxième étape : déterminer le champ de l’analyse. En effet, chaque fleur nécessite des conditions climatiques très différentes pour s’épanouir, ce qui n’induit pas les mêmes contraintes de production, et donc pas la même quantité d’énergie pour croître. Première piste de réflexion : limiter l’analyse à quelques variétés phares pour simplifier les résultats. Intuition confirmée par Vincent Colomb de l’ADEME : “Un bon point de départ serait de construire des références ACV sur les variétés de fleurs les plus consommées, et de mettre en place des analyses comparatives sur la base de quelques critères clés”. 

Ensuite, il faut élaborer un modèle de production fidèle à la réalité, comme le confirme Laurent Ayoun de Carbo : “La priorité doit être de cartographier les flux, bien qu’il soit difficile de le faire de manière exhaustive, d’où l’intérêt de construire des modèles, même schématiques. Il faut donc par exemple, dans le cas de la fleur, choisir parmi les variétés les plus vendues, et déterminer leur parcours type”.

L’étape essentielle d’une démarche d’analyse de cycle de vie est ensuite la collecte de données spécifiques, en fonction du modèle défini précédemment. Aujourd’hui, elles n’existent pas ou peu dans les jeux de données publiques, comme le confirme Vincent Colomb : “Quelques travaux avaient été menés sur l’évaluation environnementale des roses dans les années 2010, mais nous nous sommes ensuite recentrés sur l’alimentaire. Aujourd’hui, les outils ont donc progressé et si la filière souhaite avancer sur la collecte de données et l’affichage environnemental, la situation est favorable”. 

Enfin, il convient de compléter le modèle avec des données préexistantes qui peuvent être répliquées au cas de la culture de fleurs coupées, par exemple sur les logistiques. C’est ce que pense Laurent Ayoun de Carbo : “Je pense que pour les données transports, on pourrait à la rigueur s’appuyer sur des données publiques déjà disponibles, dans la mesure où des travaux ont dû être réalisés pour les denrées alimentaires par l’ADEME. C’est une évidence : plus les données collectées sont solides, plus les indicateurs seront fiables”.

 

Louis Savatier, Cofondateur et Responsable Plaidoyer

Qui sommes nous ?

Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.