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24.06.25

Le marché de la fleur vu par Luc Narolles, journaliste

Sessile donne la parole à des acteurs engagés du marché de la fleur, pour esquisser l’avenir de la filière. Cette semaine, nous rencontrons Luc Narolles, journaliste spécialisé en fleuristerie, jardinerie et animalerie ; celui qui se définit comme un surligneur de talents évoque pour nous sa vision de la fleur de demain !

Bonjour Luc, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

Je suis Luc Narolles, et je suis journaliste spécialisé sur toutes les questions de fleuristerie, jardinerie et animalerie, sujets que je traite sur mon site d’informations spécialisées JAF-Info. 

J’ai d’abord eu une carrière militaire, avant d’envisager un projet entrepreneurial auquel je me consacrais pendant mes congés et les week-end.J’ai définitivement rejoint la boutique de fleurs que nous avions monté avec mon épouse en 88, où j’avais la gentille mission d’être le mari de la fleuriste ! [rire] C’est à partir de ce moment là que je me suis pris de passion pour les fleurs, et nous avons à l’époque connu un certain succès, puisque nous avons reçu un prix de gestion pour récompenser nos efforts. 

C’est en 2011 que j’ai lancé JAF-Info, avec l’idée de couvrir un sujet sur lequel j’avais une vision éprouvée par l’expérience, et qui par ailleurs ne disposait pas forcément d’une information fiable. Au début il s’agissait d’un simple blog, et par la force des choses JAF-Info est devenu une véritable entreprise de presse. 

Quelle est la ligne éditoriale de votre média ?

Je dirais que je m’appuie sur plusieurs sources d’information. La première c’est une veille détaillée des actualités du secteur, principalement en condensant le traitement par les autres médias, mais en étendant également aux réseaux sociaux des différents acteurs de la filière. Je couvre également toute l’actualité des différentes communautés professionnelles, notamment des représentations syndicales et des interprofessions. Enfin, je mène des actions journalistiques à proprement parler en cherchant et en validant l’information. 

Mon média s’adresse avant tout aux professionnels de la jardinerie et aux fleuristes ; il s’adresse aussi aux décideurs, avec l’objectif de mettre à disposition toutes les informations nécessaires pour éclairer le débat public sur nos thématiques. J’essaie aussi de relayer les tendances internationales pour que les professionnels français viennent puiser des initiatives qui pourraient intéresser leur activité. 

Vous vous présentez comme un surligneur de talents, pouvez-vous nous en dire un mot ?

Je crois en effet que ce qualificatif désigne bien ma volonté : mettre en lumière les talents qui s’exercent dans l’ombre. Je parle évidemment de tous les professionnels qui s’évertuent au quotidien à nous faire apprécier la nature !

A votre avis, quels sont les grands défis auxquels est confrontée la filière fleur coupée ?

A mon sens, il existe un enjeu de représentation dans le secteur économique global. Je pense qu’on peut se passer de la stratégie du clash permanent pour se faire entendre, que je trouve dispensable, comme ça a été le cas pour le 1er mai. 

L’horticulture est un marché qui pèse évidemment moins lourd dans le secteur agricole que l’élevage par exemple. Je préconiserais aux instances représentatives de davantage se rapprocher de la filière fruits et légumes qui pourrait démultiplier l’impact de ses prises de parole, d’autant plus que je pense que ces deux filières ont des intérêts communs. 

Et nous avons des atouts pour intéresser les pouvoirs publics, car la fleur est un outil diplomatique sans égal : personne ne refuse de vous écouter quand vous en offrez !

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Que pensez-vous des débats entre fleur française et fleur d’import ?

C’est un débat récurrent. Je compare généralement le fleuriste à un peintre : pour réaliser son œuvre, il a besoin de la palette de couleurs la plus large possible. Et ça nécessite de recourir aux fleurs d’import. Aujourd’hui, les volumes produits sont largement insuffisants pour couvrir la demande. 

Pour autant, je fais partie de ceux qui considèrent qu’il y a matière à produire davantage en France, et j’y réfléchis régulièrement. Aujourd’hui nous sommes très dépendants des marchés hollandais, africain et sudaméricain, et il faudrait une véritable volonté politique pour restructurer la production. 

Je pense que la France a le potentiel pour produire des fleurs en volume, et pas uniquement des fleurs de saison : je crois ainsi particulièrement à un retour de la rose. D’ailleurs le président de la République s’était montré favorable il y a quelques années à une relocalisation de la production en France. 

Vous avez largement couvert les débats sur les pesticides sur JAF-Info, quel est votre point de vue sur la question ?

En effet, cela fait plusieurs années que j’écris sur la question, dès 2018 en réalité, avec la parution des études réalisées par l’université de Liège. Il est évident qu’on ne peut qu’avoir des mots et pensées chaleureuses et compatissantes vis-à-vis des victimes concernées. On pouvait s’attendre à voir ces cas rendus publics dès que le gouvernement a pris la décision d’indemniser les victimes de pesticides (NDLR : par le Fond d’indemnisation pour les victimes de pesticides ou FIVP).

Je ne doute pas que les différentes professions ont pris conscience du sujet, et réfléchi à comment adapter les métiers au monde actuel. La santé au travail doit être une priorité, et la prévention a un rôle important à jouer. En revanche, je pense qu’il faut faire attention à ne pas analyser cet épisode avec les lentilles du passé. 

Quand vous évoquez les lentilles du passé, vous voulez dire que le problème est désormais résolu ?

Comprenez-moi bien : quand je parle du problème du passé, je ne dis pas que le problème n’est pas d’actualité. C’est que 7 ans à l’échelle d’une industrie, c’est du moyen terme, les pratiques ont donc le temps d’évoluer. Ensuite, la question des pesticides se pose toujours, mais il faut prendre le problème d’un point de vue économique : on exprime l’intention de se passer des pesticides, encore faut-il s’en donner les moyens.

En ce qui concerne l’usage des pesticides, la Commission européenne a été très claire : elle fixe un cadre commun à tous les pays, et libre à eux d’aller plus loin s’ils le souhaitent. Ca a d’ailleurs été la position de la France à cet égard. 

Est-ce que la proposition de loi Duplomb, qui vise à réintroduire les néonicotinoïdes, ne témoigne pas au contraire d’un retour en arrière ?

Les acteurs politiques comme économiques ont le droit de mettre en avant des contraintes à court terme pour s’adapter à la situation, et ça a notamment été le discours du Président de la République : on propose une interdiction à partir du moment où on dispose d’alternatives. 

En revanche, il faut évidemment toujours tenir compte des aspirations des consommateurs, et ceux-ci sont de plus en plus sensibles à ce qu’ils consomment, c’est pourquoi il faut apporter des réponses concrètes à leurs craintes légitimes. Répondre que les fleurs ne se mangent pas n’est pas suffisant.  

Pensez-vous qu’un projet comme Floribalyse pourrait être bénéfique pour la filière ?

Je pars du principe que dès qu’un acteur s’engage pour aller vers du mieux, il mérite d’être encouragé, c’est en tout cas la ligne que je me suis fixée avec JAF-Info. La filière fleur est demandeuse de plus de data pour mieux se connaître elle-même. 

La donnée est un outil indispensable pour prendre des décisions éclairées. Et je pense qu’un dirigeant qui dispose de tous les éléments de compréhension est plus apte à prendre une décision.

Qui sommes nous ?

Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.