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09.11.23

Les difficultés rencontrées par les horticulteurs français

Xavier Désiré, designer floral et horticulteur. Spécialisé dans la décoration florale événementielle au sein de son atelier à Fleurs et à Mesure dans le 20e arrondissement de Paris, il est artisan fleuriste depuis plus de 30 ans. En 2013, il s’installe à Grisy-Suisnes en Seine-et-Marne pour cultiver des roses odorantes, des tulipes, des dahlias et des fleurettes. En octobre 2023, face à un marché peu favorable, il est contraint de fermer les portes de son exploitation. Son parcours illustre les difficultés que rencontrent les horticulteurs français au quotidien. 

Xavier Désiré, designer floral et horticulteur, a été contraint de fermer les portes de son exploitation il y a quelques semaines. Son parcours illustre les difficultés que les producteurs de fleurs en France connaissent depuis près de 40 ans. Il a accepté de répondre à nos questions pour mettre en lumière le parcours du combattant que les producteurs de fleurs vivent au quotidien.  

Xavier, vous avez dû prendre une décision difficile et fermer les portes de votre exploitation floricole, Des Roses Dans Mon Jardin, est-ce que vous pouvez nous en dire plus ?

J’avais en effet une exploitation de fleurs de 3 hectares à Grisy-Suisnes en Seine-et-Marne depuis 2013 : Des Roses dans mon jardin.  

Je cultivais principalement des roses parfumées, des tulipes et des dahlias sur 2 ha avec un véritable savoir-faire, et à rebours des tendance qu’on observe sur le marché de roses. Je faisais un peu figure d’exception sur le marché, car aujourd’hui on ne produit presque plus de roses en France. La majorité des roses qu’on achète en France sont des roses d’import. 

Je vendais principalement ma production auprès de fleuristes franciliens, et j’avais développé un bon réseau de clients réguliers. Mais il était difficile pour moi de mener un travail de vente alors que je suis déjà producteur et designer floral. Les journées ne font que 24 heures !

Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à prendre cette décision ?

J’ai été contraint de cesser mon activité, car le faible volume de ma production ne me permettait tout simplement pas d’en vivre : sur les dix dernières années, je n’ai pu me rémunérer qu’une seule année. Comme j’ai l’habitude de le dire, il faut travailler dans l’horticulture par passion et non par appât du gain.

En plus, dans le contexte d’inflation constante, j’ai l’impression que les fleurs font les frais des priorités d’achat des consommateurs. Les fleurs ne sont pas considérées comme des produits de première nécessité par les consommateurs. 

A cette raison conjoncturelle s’ajoutent des difficultés récurrentes, ,comme le vieillissement de mes infrastructures et qu’il m’était difficile de rénover, ainsi que la difficulté à jongler entre mes différentes casquettes : tout le temps que je passe à démarcher de nouveaux clients, je ne le passe pas à cultiver.

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Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?

La première des difficultés est la même que pour l’ensemble des agriculteurs : l’imprévisibilité du climat, qui peut facilement venir gâcher les récoltes, d’autant plus lorsqu’on travaille des végétaux aussi délicats que les fleurs. A titre d’exemple, les roses ont beaucoup souffert de la vague de gel qui a eu lieu au printemps 2021. Eh bien je peux vous dire que ça a été compliqué à faire reconnaître l’état de catastrophe naturelle pour la perte de mes fleurs parce que les producteurs ne sont pas assez nombreux pour faire valoir leurs intérêts…

Ensuite, il y a une logique de volume. Pour être rentable, vous devez faire beaucoup de volume et exploiter de larges parcelles ; il est de plus en plus difficile aujourd’hui d’exister quand l’exploitation est trop petite. Mais pour étendre l’exploitation et produire plus, il faut trouver de la main d’œuvre, ce qui n’est pas toujours évident, compte tenu du manque de profils qualifiés. 

Il faut aussi savoir jongler avec le calendrier qui comporte des moments très difficiles : par exemple, l’été est une période creuse, ce qui a beaucoup compliqué le pilotage de mon activité.

Enfin, je dirais que la concurrence internationale a également joué un rôle, en proposant des fleurs qui sont faciles à conditionner et à transporter, ce qui peut se faire au détriment de variétés plus délicates. Souvent, ces fleurs sont produites dans des conditions économiques sur lesquelles il est impossible de s’aligner pour un producteur français. Je pense notamment au coût de la main-d’œuvre, qui représentait près de 50 % de mon chiffre d’affaires. 

En parlant de concurrence internationale, comment vous êtes-vous adapté face aux fleurs d’import ?

La plupart des fleurs proposées en France ont transité par la Hollande, qui a un savoir-faire de plusieurs siècles en la matière : n’oublions pas que la première crise financière du monde s’y est déroulée au XVIIe siècle avec la crise de la tulipe ! Les Pays-Bas sont dans la quête perpétuelle de rentabilité ; ils sont encore meilleurs commerçants qu’ils ne sont horticulteurs. Cet état d’esprit les a conduit à privilégier les fleurs qui sont faciles à transporter, comme les roses ou les tulipes.

De mon côté, je me suis spécialisé dans une horticulture de pointe, pour répondre à d’autres demandes que l’offre hollandaise. Par exemple, les roses que je cultive sont des roses odorantes, ce qui n’est pratiquement plus le cas des roses d’importation. La rose odorante est par nature plus fragile : le parfum accélère le processus de maturation de la rose, et elle tient donc moins longtemps ce qui rend leur logistique complexe. 

De la même manière, les dahlias sont des fleurs extrêmement difficiles à transporter car ils sont très fragiles : comme il s’agit de fleurs volumineuses, elles sont plus complexes à transporter. Par conséquent, on met moins de fleurs sur un roll hollandais, ce qui est donc moins rentable. J’ai donc décidé de jouer la carte de la qualité afin de me distinguer de la concurrence. 

Comment pourrait-on aider les producteurs français selon vous ?

Il faut commencer par avoir une véritable volonté politique ! Au Pays-Bas par exemple, l’Etat hollandais s’est tenu aux côtés des producteurs en finançant par exemple une bonne partie de leur facture de gaz pour alimenter les serres chauffées nuit et jour[1]. 

La France doit accompagner les horticulteurs pour préserver ce métier que l’on fait bien, mais que l’on a plus les moyens de faire, par exemple en contrôlant davantage les fleurs importées et en favorisant les fleurs produites en France. N’oublions pas que si les fleurs d’import sont aujourd’hui indispensables, c’est parce que la filière française n’a pas été soutenue au moment où il le fallait !

Concernant les subventions, il faut davantage aider les horticulteurs au-delà du stade d’installation : si les nouveaux nouveaux horticulteurs bénéficient d’enveloppes pour les accompagner dans leur projet, une fois que l’exploitation existe, les subventions s’arrêtent. Il faut pourtant faire face aux aléas et au renouvellement du matériel…

Par ailleurs, l’’horticulture regorge de métiers enrichissants mais elle peine à attirer les vocations : en effet, les conditions de travail difficiles ainsi que la faible rémunération les premières années sont des freins majeurs aux installations de nouveaux agriculteurs. Il faut redonner envie aux jeunes de se lancer dans ces voies professionnelles. 

Il faut aussi et surtout accompagner le consommateur vers d’autres types de fleurs de saison : c’est à nous, professionnels de la fleur, de leur raconter l’histoire des fleurs et de leur suggérer des variétés de saison. 

Et pour finir comment abordez-vous la suite ?

Je vais donc continuer à fleurir des événements et à exercer ma passion et mon savoir-faire !

 

Notes

[1] La Dépêche, « Dans un marché ultra-mondialisé, la fleur locale cherche sa place dans les étals », Lien de l’article

Qui sommes nous ?

Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.