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13.12.24

Floribalyse : pourquoi nous nous engageons dans une analyse du cycle de vie des fleurs coupées

Sessile ambitionne de lutter pour l’indépendance des artisans fleuristes depuis sa création. Depuis octobre 2024, Sessile mène un projet, avec l’ADEME, l’agence de transition écologique, et d’ASTREDHOR, institut technique horticole, pour entreprendre de mesurer l’impact environnemental des fleurs françaises, dans une démarche dite “Analyse de cycle de vie” (ACV). Ce projet, nous l’avons nommé Floribalyse et nous allons vous expliquer pourquoi il est important pour transformer la filière horticole.

La filière fleur coupée est souvent l’objet de critiques sur son aspect environnemental. Si le marché tel qu’il est configuré aujourd’hui est fortement générateur d’externalités négatives pour l’environnement, il n’y a pas de fatalité ! L’objectif de Floribalyse est justement de montrer la voie à des pratiques plus vertueuses pour produire des fleurs. 

L’hypothèse de départ que nous formulons est que la production de fleurs coupées en France est moins nocive pour l’environnement, en raison d’un climat favorable qui limite le recours au chauffage artificiel, ainsi qu’à un recours moindre en phytosanitaires en raison d’une législation parmi les plus rigoureuses en Europe et un engagement de tous les instants de tous les professionnels du marché. Tout l’enjeu de Floribalyse sera donc de vérifier ce postulat.

Cet article a pour vocation, comme ceux qui paraîtront à l’avenir, d’ouvrir la démarche que nous menons à la participation de tous les acteurs de la filière, et de documenter l’aspect technique dans une perspective de transparence.  

Le constat que nous avons dressé 

Le premier élément qui nous a interpellé est la configuration actuelle du marché de fleurs dans le monde. Aujourd’hui, VALHOR estime que 9 fleurs sur 10 consommées en France proviennent de l’importation, principalement des Pays-Bas, mais aussi de bien plus loin comme du Kénya ou d’Equateur. 

Le principal débouché commercial de ces fleurs cultivées à travers le monde est le marché européen, dont la porte d’entrée est le marché d’Aalsmeer aux Pays-Bas, où transitent près de 19 millions de tiges par jour, soit la majorité des fleurs consommées dans le monde, dont 90 % sont ensuite expédiées à l’étranger. Un tel système induit nécessairement d’intenses logistiques, dont on peut supposer qu’elles ont un impact non négligeable sur le dérèglement climatique : à ce titre, une chercheuse de l’université de Lancaster estime qu’un bouquet de roses importées émet 60 kg de CO2. Par ailleurs, le caractère extrêmement périssable des fleurs impose un surcroît de consommation d’énergie en raison de la nécessité d’effectuer les livraisons dans des véhicules (camions, avions, cargos) réfrigérés. 

Pourtant, à en croire certaines études, les fleurs issues de la production kényane émettraient 5 à 6 fois moins de CO2 que leurs homologues produites sous serre en Europe selon une étude de l’université de Cranfield. En effet, le principal facteur d’émission de CO2 serait le chauffage sous serre, et non le transport. Cette donnée nous a interpellés : d’une part parce qu’elle allait à l’encontre de nos idées reçues, mais aussi et surtout parce qu’à elle seule elle ne suffit pas à dresser un tableau fidèle de l’impact environnemental de la production de fleurs. 

Dès lors, il nous est apparu nécessaire d’élargir l’analyse aux autres facteurs environnementaux. Par exemple, les études sur les fleurs kényanes, notamment deux études commandées par Max Havelaar et Migros, omettent de prendre en compte la consommation d’eau induite par l’industrie de la rose, alors que le pays est dans une situation de raréfaction des ressources aquatiques. L’industrie horticole est ainsi accusée d’assécher le Lac Naivasha.

Par ailleurs, la production extra-européenne de fleurs pose aussi la question de l’emploi de phytosanitaires interdits en Europe, souvent dangereux pour la santé humaine et les milieux naturels. Récemment en France, une ancienne fleuriste a perdu sa fille, atteinte d’une leucémie, et un comité d’experts a établi le lien entre la maladie et les substances présentes sur les fleurs que manipulait sa mère. 

Outre les enjeux propres à la filière, nous souhaitons participer activement à l’essor de l’affichage environnemental, qui devient un outil de pilotage structurant dans de nombreuses filières. Comme le précise Vincent Colomb, le but de l’affichage environnemental est de “fournir au consommateur une information sur l’impact environnemental des produits qu’ils achètent et pour aider les fabricants à réduire cet impact, en donnant des repères faciles et compris par tous”. A ce titre, la loi dite “Fast fashion”, visant à lutter contre le gaspillage vestimentaire, proposait un dispositif de comptabilité environnemental pour guider l’action publique. 

C’est pourquoi Sessile, en partenariat avec l’ADEME et ASTREDHOR, a pris l’initiative de lancer un projet d’analyse du cycle de vie des fleurs coupées produites en France. 

C’est quoi au juste une ACV ?

Une Analyse de cycle de vie (ACV) est une discipline qui vise à décomposer l’ensemble du parcours de vie d’un produit pour en identifier tous les impacts environnementaux, de la production à la fin de vie. L’ADEME la définit comme suit : “L’analyse du cycle de vie (ACV) recense et quantifie, tout au long de la vie des produits, les flux physiques de matière et d’énergie associés aux activités humaines”.

Son but est d’élargir le bilan carbone, qui se concentre sur la quantité de CO2 émise par une activité, pour élargir le constat à d’autres critères environnementaux. L’ACV s’appuie donc sur 16 critères qui permettent de mesurer l’épuisement des ressources, la dangerosité d’un procédé pour la santé humaine ou encore . “Il s’agit de pouvoir construire des indicateurs qui reflètent fidèlement la consommation de ressources, en énergie, en eau et en espace, et de déterminer la pollution induite par les processus de production et de logistique”, détaille Vincent Colomb, coordinateur affichage environnemental de l’ADEME. 

Appliquer la méthodologie ACV aux fleurs coupées aura pour effet de souligner les efforts réalisés par les producteurs horticoles français pour cultiver des fleurs plus durables. “Une telle initiative permettrait de mettre en valeur de nouvelles pratiques de production, plus en accord avec les enjeux de transition écologique, et sur lesquels les producteurs français sont déjà en avance”, confirme Laurent Ronco, directeur d’ASTREDHOR Méditerranée. 

A quoi va ressembler Floribalyse ?

L’idée de Floribalyse est donc de mener un travail d’ACV sur les fleurs produites en France à partir des données collectées notamment auprès de producteurs partenaires de l’institut ASTREDHOR dans l’optique de : 

  • Fédérer les acteurs de la filière dans une réflexion collective sur les enjeux climatiques ; 
  • Offrir aux consommateurs un outil pédagogique qui leur permettra de visualiser simplement les variétés de fleurs les plus respectueuses de l’environnement en fonction des itinéraires de production ; 
  • Contribuer à une base de données publiques à disposition de tous les professionnels du végétal. 

Nous souhaitons que ce projet soit le départ d’une réflexion intrafilière pour participer à la relocalisation d’une partie de la production de fleurs en France, qui possède de nombreux atouts (climat, savoir-faire, acteurs engagés dans des pratiques vertueuses…) pour ce faire, et qui permettrait de contrôler certaines externalités négatives, notamment en matière d’usage de pesticides. 

Techniquement, l’outil que nous allons développer sera similaire à la plateforme Ecobalyse développée par l’ADEME sur le sujet du textile et des denrées alimentaires. Il s’agira d’un calculateur permettant aux consommateurs de comparer l’impact environnemental de différentes variétés de fleurs produites en France ou à l’étranger, et de faire varier les critères de production (production sous serre, en plein champ, usage de phytosanitaires…).

Rejoignez-nous

Avec qui allons-nous travailler ?

La première étape du projet que nous souhaitons réaliser est la construction d’un collectif intrafilière qui agrège les expertises de tous les acteurs concernés, de la production à la distribution. C’est pourquoi nous avons bâti le projet avec l’appui de l’ADEME et d’ASTREDHOR. 

L’ADEME est l’agence de la transition écologique de l’Etat dont l’ambition est de favoriser les initiatives visant à réduire l’impact de nos activités sur le climat. “Notre rôle est d’apporter aux ministères une expertise environnementale, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, d’énergie, de déchets, d’agriculture etc”, précise Vincent Colomb. “Nous cherchons aussi, en proposant de la donnée en open source, à massifier les comportements vertueux en permettant à tous les acteurs économiques, et dans une certaine mesure aux citoyens, de pouvoir accéder à une information claire et fiable sur leurs impacts environnementaux”.

ASTREDHOR est un organisme de recherche dédié au secteur horticole. “Astredhor est un institut technique reconnu par le Ministère de l’Agriculture”, résume Laurent Ronco. “Nous accompagnons aussi bien les structures privées adhérentes que les collectivités locales et les pouvoirs publics. Notre mission est non seulement de tester de nouvelles pratiques, mais aussi de les diffuser aux acteurs pour les accompagner vers la rentabilité”.

La première étape du projet est d’élargir le collectif à l’ensemble des acteurs de la filière, afin que la parole soit donnée à tous les acteurs de la chaîne : ce n’est qu’ainsi que nous serons en mesure d’une part de collecter des données fiables, et d’autres part d’envisager des applications pertinentes pour celles-ci. 

Les principes directeurs du projet

Outre l’aspect collectif de la démarche Floribalyse, plusieurs principes fondateurs structurent le projet. Tout d’abord, nous souhaitons que les données collectées dans le cadre du projet soient publiquement accessibles à tous les acteurs de la filière. En effet, nous sommes persuadés que c’est par la circulation de ses enseignements que Floribalyse trouve son intérêt. Nous voulons que chaque professionnel du végétal souhaitant transformer ses pratiques. C’est pourquoi les données collectées à l’issue du projet seront, entre autres, hébergées sur le site de l’ADEME. 

Le second principe est de nous adosser à une démarche scientifique, en nous appuyant sur les référentiels européens existants (Flori PEFCR notamment), tout en conservant la liberté d’y apporter des nuances, et en étant capable de proposer des améliorations de protocole. En résumé, nous souhaitons que les professionnels de la filière fleurs coupées en France puissent participer à la controverse scientifique européenne.

Enfin, nous souhaitons que ce projet soit le départ d’une réflexion intrafilière pour participer à la relocalisation d’une partie de la production de fleurs en France.

Les 2 questions de l’état des lieux

La première étape de Floribalyse est de faire l’état des lieux du sujet, c’est-à-dire de déterminer le périmètre de l’étude, et d’interroger les outils que nous avons à notre disposition pour collecter les données. A ce stade, nous nous posons 2 questions, que nous tenterons d’élucider d’ici fin février.

La première question concerne le référentiel européen Flori PEFCR, réalisé par l’université de Wageningen aux Pays-Bas, et qui fixe les règles pour conduire une ACV. Nous avons pris la décision de nous appuyer sur ce référentiel, mais aimerions explorer d’autres pistes en matière de pondération de certains critères. Par exemple, la première lecture du document nous a donné l’impression que la question de l’eau était insuffisamment prise en compte, de même que les pesticides. Nous souhaitons proposer des amendements qui permettront d’enrichir le référentiel Flori PEFCR pour ses prochaines occurrences. 

Concernant les variétés de fleurs que nous allons soumettre à l’étude, nous sommes actuellement en phase de réflexion. Nous souhaitons en priorité étudier les fleurs les plus consommées en boutique, de manière à construire des références qui parlent aux consommateurs. C’est pourquoi nous allons lancer une grande consultation auprès des fleuristes de France pour connaître les fleurs les plus vendues en boutique. Il s’agit également d’un bon moyen de recueillir leur témoignage afin de profiter de leur vision de terrain pour comprendre ce qu’il se passe en boutique.

Comment nous aider ?

Nous souhaitons que cette démarche soit collective au sein de la filière, et votre aide pour étayer notre réflexion est évidemment la bienvenue ! Si vous souhaitez participer au mouvement, vous pouvez me contacter par mail à l’adresse louis@sessile.fr

Qui sommes nous ?

Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.