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24.11.23

Pourquoi les fleuristes ne peuvent pas vendre 100 % de fleurs françaises ?

Comment les fleuristes, alors que la majorité des fleurs qu’ils ont à disposition proviennent de l’étranger, font-ils pour s’approvisionner en fleurs françaises, et satisfaire la demande toujours croissante pour les fleurs locales ? Nous avons posé la question à deux fleuristes, Marie Ruillard fleuriste chez Maison Marguerite au Mans, et Gilles Sonnet artisan fleuriste à Fontaine-lès-Dijon.

C’est un phénomène qui prend de l’ampleur : nombreux sont les clients qui ambitionnent de revenir à une consommation de produits locaux, et la fleur ne fait pas exception à la règle. En effet, selon une étude menée par Aquarelle en 2021, ils sont 76 % à déclarer acheter des fleurs made in France. Pourtant, 85 % des fleurs vendues en France aujourd’hui proviennent de l’étranger.  

Pour autant, les fleuristes ne sont pas à blâmer : bien au contraire, conscients des nouveaux enjeux de consommation et de préservation de l’environnement, ils rivalisent d’inventivité pour se fournir en fleurs issues de la production française. Mais alors, pourquoi est-ce si difficile de ne proposer que de la fleur française ? 

La France ne produit pas assez de fleurs pour répondre à la demande

Tout d’abord, la forte proportion de fleurs importées s’explique par la faiblesse structurelle du tissu productif français : on estime qu’en 1985, la France comptait environ 8000 exploitations de fleurs coupées, on en dénombre aujourd’hui 278 selon le dernier observatoire structurel de la filière de France Agrimer, soit une baisse de 96 %. La population des horticulteurs en fleurs coupées avoisine la soixantaine selon les derniers chiffres disponibles, et la reprise des exploitations est compliquée. 

A cette incapacité de de l’offre française à répondre à l’ensemble de la demande s’ajoutent des considérations logistiques et d’infrastructures : “la France ne dispose pas d’acteurs et d’infrastructures comparables à ce qui se fait en Hollande : pas de logistiques aussi efficaces, ni de grossistes aussi volumineux. Le problème de la France est un problème de structure !” nous confie Gilles Sonnet.

La production française présente aussi l’inconvénient d’être régionalisée autour de 3 pôles : la région PACA, les Pays de la Loire et l’Île-de-France. Tous les fleuristes n’ont donc pas les mêmes facilités à accéder à l’offre de fleurs françaises.  

Des comportements d’achat bien ancrés… 

Les habitudes ont la vie dure en matière d’achat de fleurs : la consommation tourne autour de quelques variétés, qui sont consommées toute l’année. Bien que les consommateurs revendiquent un retour au local, ils ont aussi une exigence de diversité que les fleuristes se doivent de satisfaire. 

C’est le constat que dresse Gilles Sonnet : “Il faut garder à l’esprit que cette demande s’accompagne également d’une volonté d’avoir accès à un large éventail de fleurs : or, certaines saisons sont moins propices que d’autres pour proposer des fleurs françaises, comme l’automne et l’hiver. On essaie donc de compenser en faisant appel à de la fleur d’import, qui a poussé dans des pays où le climat est plus favorable, comme l’Equateur ou la Colombie”.

Le recours aux fleurs d’import permet en effet de continuer à proposer de la diversité en hiver, où l’offre de fleurs est plus réduite, comme l’affirme Marie Ruillard.  “C’est impossible de travailler exclusivement avec de la fleur française compte tenu de l’organisation du marché. L’offre en France est trop réduite pour que ce soit le cas, et certaines saisons comme l’hiver, il faut aussi faire appel à des fleurs d’import si on veut conserver nos emplois et c’est évidemment la priorité”. En revanche, au printemps, la fleuriste peut se permettre de la fleur française.

Les clients revendiquent souvent des aspirations à une consommation locale, mais ils ambitionnent en même temps à trouver en boutique de la diversité, et souvent des fleurs qui ne sont pas de saison. On peut par exemple citer les chiffres de France Agrimer dans une étude réalisée par Kantar, la rose reste l’indétrônable de tout bouquet, car elle représente 58 % des fleurs achetées par les français, et plus de 42 % des fleurs importées. La rose est consommée toute l’année, alors qu’il s’agit d’une fleur printanière. 

Cette tendance se renforce à la Saint-Valentin, où 67 % des fleurs achetées sont des roses selon les chiffres de l’interprofession Val’hor. Ce qui n’est pas du goût de tous les fleuristes : “On a pris une décision très claire pour la Saint-Valentin : on ne vend pas de rose rouge ! Je n’ai pas envie de vendre une rose qui vient d’Ethiopie à 10 euros pièce, alors qu’on a des renoncules absolument sublimes et des anémones du Var de très bonne qualité”. Y compris si celles-ci sont labellisées commerce équitable. “Je ne doute pas que ça parte d’une excellente intention, mais je préfère quand même faire fonctionner les producteurs du coin plutôt que de faire acheminer des fleurs en avion”. En effet, la principale source d’émission des roses importées est évidemment le transport en avion

… et entretenus par les plateformes de transmissions florales 

Et le moins qu’on puisse dire, c’est que ces habitudes sont fortement entretenues par les plateformes de transmissions florales, qui ne se privent pas de jouer sur l’imaginaire, la plupart du temps au mépris des saisons ou de la provenance. Par le biais de leur catalogue, elles favorisent la consommation de certaines fleurs toute l’année, et contraignent les fleuristes dans la composition de leur stock, sans se soucier de l’identité de chaque fleuriste.

Les bouquets proposés par ces opérateurs sont non seulement très éloignés du style que je pratique en magasin, mais ils me poussent aussi à proposer certaines fleurs que je n’aime pas travailler comme le chrysanthème ou le gerbera”, nous confie Gilles Sonnet.

Même son de cloche du côté de Maison Marguerite, qui a même pris la décision de ne plus travailler avec elles : “C’est déjà suffisamment compliqué de m’approvisionner sans que je m’ajoute des obstacles supplémentaires. C’est aussi pour ça que j’aime bien travailler avec Sessile, parce que je choisis les bouquets que j’ai envie de proposer à mes clients, avec les fleurs que j’aime”.  

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Pourtant la fleur française a des avantages indéniables

Evidemment, le premier atout des fleurs françaises, c’est qu’elles voyagent moins, ce qui leur garantit une extrême fraîcheur. “L’avantage des fleurs françaises est évident : les fleurs sont coupées le matin et vendues l’après-midi même. Comme elles ne voyagent pas ou peu, ça n’a rien à voir en matière de fraîcheur”, confirme Marie Ruillard.

La qualité des fleurs produites en France est devenue une préoccupation centrale au sein de la filière, qui multiplie les labels de qualité (Charte Qualité Fleur, Label Rouge, Fleurs de France) ou de vertu environnementale (Plantes Bleue, certification Haute valeur environnementale) pour défendre les atouts concurrentiels des fleurs françaises. Celles-ci sont aussi valorisées par des structures comme le Collectif de la fleur française et Fleurs d’Ici. 

Un autre point fort indéniable, c’est que les fleurs françaises, plus naturelles car moins normées, permettent de faire découvrir de nouvelles sensations aux consommateurs, c’est d’ailleurs ce qui participe au style si reconnaissable de Maison Marguerite : “J’aime bien proposer des fleurs qui sortent de l’ordinaire et des standards : chacun de nos bouquets raconte une histoire particulière, et je crois même que ce qui les rend beaux c’est qu’ils s’éloignent de la norme”.

Enfin, contrairement aux idées reçues, celle-ci n’est pas forcément plus onéreuse que ses homologues importées. “Je ne trouve pas forcément les fleurs françaises plus chères que les fleurs importées : comme elles ne voyagent pas, on ne paie pas le prix du trajet. Et avec le prix de l’énergie ces deux dernières années, je ne sais même pas si les fleurs importées sont si compétitives”, confie Marie. Ce constat a d’ailleurs été étayé par une enquête de TF1, qui a conclu à une relative équivalence de prix entre les bottes importées et celles produites dans l’hexagone. “On a pu noter un regain de compétitivité de la fleur française depuis la hausse du prix de l’énergie par rapport à leur homologues hollandaises cultivées sous serre” abonde Gilles Sonnet.

Les pistes des fleuristes pour répondre à l’enjeu de localité

Malgré les difficultés d’approvisionnement, les fleuristes mettent en place leurs propres stratégies pour s’approvisionner en fleurs françaises.

Parce qu’elle est soucieuse de l’impact de son métier sur l’environnement, Marie a très tôt cherché à privilégier les fleurs locales : “chez Maison Marguerite on essaie de faire travailler les producteurs locaux en priorité”. Située au Mans, dans un département particulièrement riche en floriculture, Marie a l’occasion de s’approvisionner en direct auprès de plusieurs producteurs locaux. 

Aujourd’hui, je suis en contact avec 7 ou 8 producteurs de la Sarthe avec lesquels je travaille régulièrement” affirme-t-elle. Ces relations durables entre fleuristes et producteurs permettent l’émergence d’écosystèmes locaux. J’ai même reçu en boutique une aspirante floricultrice qui ne s’est pas encore installée et qui est venue nous demander notre avis sur les variétés qu’elle pourrait cultiver !”, sourit la fleuriste.

Gilles Sonnet, de son côté, travaille avec un acheteur en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, 1ère région productrice de fleurs en France grâce à son climat idéal. Celui-ci est chargé de trouver les plus belles fleurs de la région pour qu’il puisse les proposer à ses clients. 

Et pour répondre à la demande de ses clients en fleurs locales, celui-ci est même allé plus loin : “J’ai testé la culture de pivoines il y a 6 ou 7 ans, car je sentais une véritable envie de la part de ma clientèle pour les fleurs produites localement ; c’était aussi une façon pour moi de maîtriser les coûts”. Expérience concluante, puisque l’année dernière, le fleuriste a ouvert sa propre ferme florale, pour le plus grand bonheur de ses clients. “Je cultive donc principalement de la pivoine et des feuillages. Au printemps, je sais que mes clients réguliers sont contents de pouvoir acheter des pivoines que j’ai produites moi-même, dans des conditions vertueuses”.

De la pédagogie pour changer les habitudes 

Enfin, afin de faire changer les habitudes de leurs clients, les fleuristes font preuve de pédagogie pour les orienter vers des variétés de saison. “En hiver, j’essaie au maximum de recommander des variétés de saison produites en France à mes clients, notamment des tulipes, des renoncules ou des anémones, qui rencontrent chaque année un grand succès”, nous confie-t-il. 

L’essentiel, c’est que les clients soient au courant de ce qu’ils achètent, et pour ça il faut que le fleuriste fasse preuve de pédagogie” confirme Marie Ruillard. Pour joindre le geste à la parole, elle a décidé de communiquer en toute transparence sur la provenance des fleurs qu’elle propose en boutique. “On a décidé d’indiquer systématiquement la provenance des fleurs sur des pancartes, afin que le client bénéficie de la meilleure information possible”.

Et parfois, il ne faut pas hésiter à aller contre les idées reçues. A l’occasion de la Saint-Valentin, Maison Marguerite a réalisé un sondage auprès de sa clientèle pour connaître le type de bouquet le plus populaire, avec des résultats surprenants : “La rose n’était pas le premier choix, et même pas sur le podium”, ce qui laisse entrevoir de belles perspectives pour la fleur de France. 

 

Louis Savatier, Cofondateur et Responsable Plaidoyer

Qui sommes nous ?

Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.