Le regard de Gilles Sonnet sur la filière de demain
Dans le cadre de notre projet Floribalyse, nous souhaitons donner la parole à tous les professionnels du végétal, à commencer bien sûr par les fleuristes ! Cette semaine, nous rencontrons Gilles Sonnet, fleuriste et producteur, pour comprendre tous les aspects du métier de fleuriste et partager sa vision du marché de demain.
Bonjour Gilles, pouvez-vous nous présenter rapidement votre parcours ?
Je m’appelle Gilles Sonnet et je suis artisan fleuriste, installé à Fontaine-lès-Dijon depuis 2002. Ma boutique compte aujourd’hui une équipe de six personnes : quatre artisans fleuristes et deux paysagistes, qui accompagnent nos clients dans l’entretien de leurs terrasses et de leurs jardins.
J’ai également lancé une activité de production pour proposer des fleurs locales à ma clientèle, très demandeuse de fleurs françaises. Nous avons commencé par produire des pivoines, et puis nous avons progressivement élargi notre gamme à davantage de fleurs estivales comme le cosmos, le tournesol et le zinnia. Au total, nous cultivons entre 40 et 50 variétés. Je travaille avec une horticultrice qui est à 100 % sur la production, et qui cultive 3000 m².
Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le métier de fleuriste ?
Le métier de fleuriste est avant tout un métier de création, et c’est cet aspect qui me passionne le plus. La créativité dont je dois faire preuve dans la composition des bouquets est vraiment un aspect essentiel : en réalité, on ne fait jamais deux fois le même bouquet, ce qui donne le sentiment que notre métier se renouvelle à chaque instant.
On trouve des centaines de variétés de fleurs à travailler, et le rythme des saisons vient sans cesse apporter de la nouveauté. Si vous ajoutez à cela la multiplicité des demandes des clients, la diversité des émotions, des occasions, vous entrevoyez un peu à quel point notre métier est riche de possibilités.
J’apprécie aussi le fait que fleuriste est un métier très accessible : il est très facile d’accéder à une formation pour découvrir le métier. Par ailleurs, s’installer coûte beaucoup moins cher que dans d’autres types de commerces comme les restaurants, puisque nous n’avons pas besoin de beaucoup de matériel.
C’est un métier difficile, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Pour moi l’une des difficultés majeures c’est de garantir la qualité du produit qui est exigée par les clients, qui sont de plus en plus attentifs sur de nouveaux critères, notamment la provenance, mais aussi l’aspect écologique.
Une autre difficulté est de se confronter à certaines demandes de clients qui n’ont pas toujours conscience de certaines contraintes, à commencer par la saisonnalité des fleurs ; il nous faut donc leur expliquer qu’il . Mais ces moments sont aussi stimulants car ils génèrent des moments d’échanges intéressants, où nous avons l’occasion de faire oeuvre de pédagogie, et les clients finissent toujours pas comprendre.
Pouvez-vous nous donner votre regard sur le débat entre fleurs importées et fleurs françaises ?
Il faut commencer par rappeler un constat simple : aujourd’hui, il nous est impossible de proposer uniquement des fleurs françaises à nos clients, et il est donc indispensable d’aller s’approvisionner ailleurs.
En revanche, je pense qu’il est intéressant de proposer à nos clients le plus de fleurs françaises possibles, d’autant plus qu’ils souhaitent de plus en plus s’acheminer vers des variétés produites en France. C’est pour cette raison que j’ai décidé de produire une partie des fleurs que je vends à mes clients ; j’ai d’ailleurs matérialisé cet engagement par ma participation au Collectif de la Fleur française.
L’histoire d’Emmy Marivain a été abondamment relayée dans la presse ; quel regard portez-vous sur cet événement ?
Evidemment, c’est un événement tragique. En revanche, je trouve que la presse s’est un peu emballée dans la mesure où les cas de ce genre sur l’ensemble des professions du végétal, c’est-à-dire près de 60 000 professionnels qui travaillent la fleur.
Concernant la saisine de l’ANSES, c’est une bonne chose qui peut nous permettre de mieux cerner le sujet et d’avoir des données précises sur la santé des fleuristes.
C’est quoi pour vous le fleuriste de demain ?
Si on devait imaginer le métier de demain, je dirais que nous nous acheminons vers davantage de végétal local. A mon avis, il y a beaucoup de choses à imaginer dans la glane, et une grande réflexion sur comment nous pouvons mieux tirer profit des éléments que nous offre la nature.
Je pense qu’on peut aussi réfléchir à comment approfondir le lien entre fleuristes et producteurs. Nous sommes dans une situation paradoxale où des producteurs de fleurs en France ne savent pas où vendre leurs variétés, tandis qu’à l’autre bout de la chaîne, les clients souhaitent consommer des variétés locales mais ne savent pas où en trouver.
Nos pratiques d’approvisionnement ont beaucoup changé ces dernières années, et nous avons beaucoup moins de lien avec les producteurs. Il y a 30 ans, nous nous rencontrions tous sur le carreau des MIN ; aujourd’hui, la fréquentation des marchés diminue, et de plus en plus de fleuristes sont tentés de passer leurs commandes sur Internet.
Une autre piste est d’accentuer la digitalisation du métier pour correspondre aux nouvelles attentes de la clientèle, qui ont un désir d’immédiateté dans l’acte d’achat.
Comment selon vous Floribalyse peut aider les fleuristes à faire mieux ?
Je trouve formidable qu’on lance des études pour mieux comprendre ce qui se passe du point de vue de la production. J’ai la sensation que Floribalyse pourrait aider à structurer des démarches de label et certifications sur des données précises, ce qui pourrait permettre de rassurer les professionnels comme les consommateurs. Il est urgent de montrer que la fleur n’est pas toxique, et qu’on peut la toucher sans risquer de tomber malade.
La deuxième chose, c’est qu’on manque de lien entre fleuristes et producteurs, donc toutes les initiatives qui visent à mettre tout le monde autour de la table sont bonnes à prendre.
Qui sommes nous ?
Sessile lutte pour l’indépendance des artisans fleuristes sur Internet. Fondé en 2019 par 6 amis, Sessile rassemble 500 fleuristes, engagés dans la transformation de la filière et permet déjà de livrer plus de 50% des Français. En brisant la logique de catalogue sur Internet, le réseau met en avant le savoir-faire de chaque fleuriste et contribue à faire vivre l’art floral. Les fleuristes peuvent faire vivre leur passion et conçoivent des bouquets plus créatifs car ils sont ainsi plus libres de proposer des fleurs de saison, des fleurs locales quand c’est possible.